domenica 8 marzo 2009

Le feminisme est un humanisme

Fondation Terra Nova - Tout Terra Nova
Oggi 8 marzo 2009, 2 ore fa

Le féminisme est un humanisme
venerdì 6 marzo 2009, 23.00.00
A l'approche de la journée internationale de la femme le 8 mars, Hélène Périvier, économiste à la Fondation Nationale des Sciences Politiques et co-présidente du groupe sur la protection sociale de Terra Nova, dresse le bilan des inégalités socio-économiques entre les femmes et les hommes aujourd'hui. Elle propose plusieurs pistes de réflexion et de réformes pour lutter contre les discriminations persistantes non seulement contraires aux principes de justice sociale mais aussi inefficaces et coûteuses pour la collectivité.


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A l’occasion de la journée des femmes 2008, Terra nova publie une note consacrée aux inégalités entre les sexes. Cette note s’intègre dans une réflexion plus globale sur la protection sociale, qui est engagée au sein de Terra Nova.


Hélène Périvier co-préside avec Bruno Palier le groupe de réflexion sur la protection sociale. Elle est économiste à la Fondation nationale des sciences politiques (FNSP). Elle dresse le constat d’une société toujours marquée par une répartition traditionnelle des rôles des femmes et des hommes et par de fortes inégalités sur le marché du travail. Cette situation est non seulement contraire aux principes de justice sociale, mais elle est également inefficace et coûteuse pour la collectivité.


L’auteure propose ainsi plusieurs pistes de réflexion et de réformes afin de lutter contre ces inégalités :
- une réforme du congé parental,
- le développement de la prise en charge de la petite enfance,
- une répartition du temps de travail plus équilibrée entre les femmes et les hommes,
- une lutte acharnée contre les discriminations liées au sexe.



Les inégalités socio-économiques entre les femmes et les hommes sont toujours présentes dans notre société. Personne ne le nie, la situation actuelle se caractérise par un déséquilibre tant dans la sphère privée que sur le marché du travail : les femmes sont moins actives que les hommes, elles sont moins bien payées, elles sont plus affectées par le chômage, elles sont moins promues, elles sont moins présentes dans les centres décisionnaires, elles ont des carrières discontinues du fait de la maternité, elles effectuent toujours l’essentiel des tâches domestiques et familiales et doivent jongler avec leurs vies professionnelle et familiale.


La position économique et sociale d’un individu est encore aujourd’hui largement déterminée par son sexe (tableaux 1 et 2). Plus inquiétant encore, les avancées réalisées dans les années 1970 et 1980 ont laissé place à une longue période de stagnation dont on ne voit pas la fin : l’écart de salaire ne diminue plus et si plus de femmes travaillent, elles sont davantage à temps partiel ou au chômage, si bien que globalement le volume d’emploi des femmes stagne ; quant aux hommes, les enquêtes emploi du temps de l’INSEE montrent qu’ils n’ont augmenté leur participation aux tâches familiales que de 5 minutes en 15 ans ! Ce statu quo inégalitaire est le reflet d’un dysfonctionnement de notre société, et pas le moindre puisqu’il affecte la moitié de la population…



1 - UN DESEQUILIBRE INEFFICACE

La moindre activité des femmes est coûteuse parce qu’elle constitue une sous-utilisation du capital humain dans lequel la collectivité a investi : parmi les 25-34 ans, 25% des femmes ont un diplôme de l’enseignement supérieur contre 20% des hommes ; 20,5% ont un bac +2 contre seulement 17% des hommes. Et pourtant les femmes participent moins au marché du travail que les hommes, ce qui représente un gâchis de matière grise. A cela s’ajoute le fait que les filles occupent plus souvent que les garçons, toutes choses égales par ailleurs, des emplois pour lesquels les qualifications requises sont moindres que celles qu’elles ont effectivement. Elles sont donc plus affectées par le déclassement que les garçons. Les filles réussissent mieux scolairement que les garçons et elles accèdent à des positions sociales inférieures : « le sexe dominant à l’école est le sexe dominé dans la vie » (Marie Duru-Bellat, 2008).


Plus de femmes qui travaillent, c’est aussi plus de rentrées fiscales en termes d’impôt sur le revenu et en termes de cotisations sociales. Par leur travail, les femmes acquièrent des droits sociaux propres (en particulier la retraite) pour lesquels elles ont cotisé. Alors que dans les couples traditionnels, le travail de l’homme permet d’acquérir des droits sociaux pour la femme au foyer, et ceci sans qu’il n’ait été prélevé de cotisations supplémentaires.


Le travail des femmes est aussi un moyen, parmi d’autres, d’augmenter la population active et donc d’augmenter la capacité de production du pays : si le taux d’activité des femmes atteignait le niveau que connaît la Suède, alors le PIB pourrait être supérieur de 1,5 point à ce qu’il est actuellement. Par ailleurs, cela permet de rééquilibrer le ratio inactifs/actifs et donc d’améliorer les comptes sociaux.


C’est également un rempart contre la pauvreté : dans le contexte économique actuel avec une plus grande précarité de l’emploi, deux emplois dans le couple valent mieux qu’un. Cela limite le risque de pauvreté de la famille en cas de chômage pour l’un des deux adultes, et cela augmente les revenus du ménage : le taux de pauvreté des couples avec enfants dans lesquels seul l’homme travaille est de 13,5%, contre moins de 7% quand les deux sont actifs.


Les avantages économiques à l’activité des femmes sont multiples et variés, mais ils ne suffisent pas à justifier que l’on cherche à résorber les inégalités entre les sexes. Cette situation est contraire au principe de justice, ce qui devrait suffire pour que la société se mobilise pour la corriger.



2 - L’EGALITE N’EST PAS LA NEGATION DE LA DIFFERENCE

Les différences biologiques sexuelles existent, par exemple les femmes portent les enfants et éventuellement les allaitent. Certains pensent que de ce fait les femmes et les hommes sont « biologiquement programmés » pour assumer des fonctions différentes et que ceci explique et justifie les inégalités décrites précédemment : aux femmes le soin de gérer la famille grâce au fameux instinct maternel, et aux hommes celui de rapporter de quoi la faire vivre. Aller jusqu’au bout de cette logique voudrait que l’on reconnaisse pleinement ce rôle des femmes en leur attribuant un salaire, que l’on pourrait dire « maternel » puisqu’il rémunérerait le rôle de mère. Elles ne seraient plus « à charge » mais « en charge » de la famille. Mais ceci revient à enfermer toutes les femmes dans ce rôle de « mère ». Or certaines ne veulent pas avoir d’enfant, c’est leur droit, et la plupart veulent travailler. Elles l’ont d’ailleurs toujours fait, mais longtemps gratuitement : la femme du boulanger tenait la caisse pour son mari…


Sur le plan intellectuel, affectif et social, les différences entre les sexes sont non seulement moins nombreuses mais également moins importantes que celles qui existent entre les hommes eux-mêmes. Les femmes ont donc tout autant la capacité et l’envie de s’intégrer dans la sphère marchande que les hommes, et c’est ce qu’elles ont fait dès qu’une brèche s’est ouverte leur permettant d’entrer massivement dans le salariat pour gagner leur indépendance à partir des années 1960. Les hommes ont, eux aussi, les aptitudes requises pour s’occuper des enfants ou pour faire le ménage ; le succès rencontré par l’élargissement du congé paternité dans les années 2000 est le signe qu’ils désirent consacrer plus de temps à leurs enfants, ce qui, notons-le, est plus agréable que de passer l’aspirateur ou faire les courses, ce qu’ils ne font toujours pas…


La rhétorique des différences entre les sexes est l’un des derniers remparts derrière lesquels se cachent les réactionnaires. L’acceptation de la différence n’est en rien une justification de l’inégalité.


Les femmes évoluent dans un environnement économique et culturel qui ne leur permet pas de réaliser le projet de vie auquel elles peuvent légitimement aspirer. Celles qui travaillent continuent d’assumer les tâches domestiques et familiales. Ce faisant, elles doivent jongler avec un emploi du temps serré et faire face au stress imposé par ce que l’on appelle communément la « double journée ». Elles le font à des degrés divers, selon qu’elles ont ou non les moyens d’externaliser une partie de ces tâches en employant une garde d’enfant à domicile par exemple, ou une femme de ménage. Mais au final, ce travail est toujours effectué par des femmes !


Dans un monde plus juste, la répartition des rôles serait plus harmonieuse et moins subie. Certes, il y aurait toujours des femmes qui cesseraient de travailler pour s’occuper de leur enfant, c’est un choix personnel et légitime, mais il y aurait autant d’hommes qui feraient ce choix … car permettre aux femmes de s’insérer dans l’emploi à l’égal des hommes, c’est aussi encourager ces derniers à s’investir dans la sphère familiale. Or, l’organisation collective actuelle qui pousse les femmes dans la famille ne laisse pas les hommes y entrer, et c’est au prix d’ajustements complexes et épuisants que les Françaises réussissent cette prouesse de combiner activité et maternité.



3 - QUE FAIRE ?

Il faut prendre conscience que les choses ne bougeront pas sans l’instauration de politiques ambitieuses dans de multiples domaines.


A commencer par le congé parental et la prise en charge des jeunes enfants qui doivent être repensés. Plus de la moitié des enfants des moins de trois ans sont gardés par leur mère inactive, en congé parental ou non. Le congé parental rémunéré en France est long, mal indemnisé et concerne dans 97% de cas des femmes, le plus souvent celles ayant des revenus modestes. Il est un moyen de les exclure du marché du travail, et celles qui n’ont pas la chance d’avoir la garantie de retrouver leur emploi ont le plus grand mal à y retourner au terme de 3 ans d’inactivité. Le congé parental doit être réformé : raccourci, mieux rémunéré, individuel et non cessible entre les deux parents (avec par exemple 6 mois de congé pour chaque parent). Il serait alors un moyen pour les parents de jeunes enfants, mères et pères, quel que soit leur milieu social, de dégager du temps au moment de l’arrivée de l’enfant. Le congé parental ne serait plus cette machine à exclure des mères sans qualification de l’emploi, mais deviendrait un « vrai congé parental » c’est-à-dire une parenthèse dans le parcours professionnel.


Cette réforme du congé parental ne peut se faire sans avoir au préalable développé massivement l’accueil des jeunes enfants à la hauteur des besoins, de sorte que les parents de jeunes enfants puissent travailler. Si la France est un modèle sur ce point pour les plus de 3 ans, du fait de son école maternelle gratuite dès ce jeune âge, sa performance se dégrade pour ce qui concerne l’accueil des moins de 3 ans : moins de 10% sont accueillis dans une crèche et 20% le sont chez une assistante maternelle. Les crèches ont cet avantage d’être un lieu de socialisation et de mixité sociale unique, elles sont aussi créatrices d’emplois de qualité pour le personnel qui y travaille. Elles ont évidemment un coût important, mais il s’agit d’un investissement dont la rentabilité est difficile à évaluer : quel prix affecter au bien-être de nos enfants ? Au total il manque au minimum 400 000 places dans les structures d’accueil de la petite enfance.


Au-delà de la prise en charge de la petite enfance, la question de l’égalité des sexes exige que l’on repense le fonctionnement du marché du travail et plus généralement l’organisation de notre société.


Le temps de travail, par exemple, est une question cruciale. Qu’on le dise « choisi » ou « subi » (la frontière entre les deux est mince), le temps partiel affecte les salaires des femmes et leur profil de carrière de façon irréversible. Alors que les Françaises sont entrées dans le salariat par l’emploi à temps plein, le temps partiel s’est développé dans les années 1990 sous l’effet des réductions de charges sociales accordées aux employeurs qui embauchaient à temps partiel. Ces incitations ont affecté l’emploi des personnes peu qualifiées, et des femmes en général. Le coût de cette réduction du temps travail est porté par les femmes, qui ont vu leur salaire diminuer, ce qui a affecté leur indépendance financière et leur possibilité de carrière. Une partie importante de ce temps partiel est concentrée dans les secteurs des services, se développe sous forme d’emplois précaires aux conditions de travail difficile, et il affecte donc la qualité de vie des femmes qui les occupent. L’autre partie du temps partiel est perçue comme un moyen pour elles de « ré »concilier leurs vies familiale et professionnelle, mais il n’est que le reflet d’un partage des tâches sclérosé. Pourquoi ne pas réfléchir à une répartition plus équilibrée du temps de travail entre les individus, les femmes travaillant plus et les hommes moins, et sur le cycle de vie : il y a des périodes dans la vie où l’on peut et veut travailler beaucoup et d’autres où l’on souhaite consacrer du temps à autre chose ou à autrui : repenser la répartition du temps de travail est un axe de réflexion à privilégier.


Lorsqu’elles travaillent, les femmes sont cantonnées dans des métiers qui, pour beaucoup, ne sont que le reflet des qualités que l’on dit « féminines » : l’attention aux autres, les relations humaines, l’écoute et la compréhension… Elles sont majoritairement présentes les métiers du social, de l’éducation, de la santé, et bien sûr ceux liés de la garde d’enfants. La « segmentation » du travail est un problème de taille, d’abord parce qu’elle va de pair avec les stéréotypes véhiculés dans la vie de tous les jours et que ces deux phénomènes s’auto-entretiennent, ensuite parce que cela constitue une cause importante des écarts de salaires et de carrières entre les sexes. La « dé-segmentation » passe par l’entrée de femmes dans les métiers d’hommes, mais également et surtout, l’entrée d’hommes dans les métiers occupés par les femmes ; les réticences sont grandes : les commissions de recrutement des crèches n’embauchent pas ou peu d’hommes, la protection maternelle infantile accorde difficilement l’agrément pour être « assistante maternelle » (au passage, il serait temps de changer le nom de cette profession) aux hommes qui en font la demande. Si on laisse faire les choses, on peut attendre longtemps avant que le partage sexué des métiers et des tâches avance : l’action positive est un moyen d’accélérer le processus, que l’on ne peut pas balayer d’un revers de la main sous couvert du principe d’universalité.


Les discriminations au travail doivent faire l’objet d’une traque sans répit. Les employeurs doivent être responsabilisés et sanctionnés le cas échéant, sur la base de critères ambitieux ; ce qui n’est pas le cas des indicateurs que doivent présentés les entreprises dans leur rapport de situation comparée, rapport faisant état de la position des femmes et des hommes dans l’entreprise. On nous avait promis qu’à l’automne 2008, la loi sur l’égalité professionnelle intègrerait des sanctions financières pour les entreprises qui ne s’engageraient pas dans un processus d’égalisation des salaires, et à ce jour on ne voit toujours rien venir de concret…Par ailleurs, cette loi ne s’applique pas au secteur public ; or dans ce domaine, comme dans d’autres, l’Etat-employeur devrait être exemplaire, ce qui est loin d’être le cas. Enfin, au-delà des lois et sanctions, les femmes devraient être sensibilisées à cette question : moins de 6% des recours exprimés à la HALDE le sont pour des discriminations liées au sexe, et plus de la moitié de ceux-ci sont exprimés par les hommes…


Comment faire adopter des lois et des réformes favorables à l’égalité entre les sexes alors que la représentation en politique reste essentiellement masculine, alors que les femmes sont quasi-absentes des lieux de pouvoirs économiques ? Comment avancer sur le terrain de la reproduction des stéréotypes alors que la littérature pour enfants conforte une lecture sexuée du monde social (voir les rapports de Cnaf sur ce sujet) ?


Il y a donc un ensemble de réflexions à mener, qui ne sont pas présentées ici de façon exhaustive, et de propositions à faire qui seraient susceptibles de relancer la marche vers l’égalité entre les sexes. La situation ne sera satisfaisante que le jour où le salaire, le type d’emploi, le temps de travail ou le chômage ne seront plus différenciés selon le sexe. Alors notre société garantira, autant que faire se peut, aux individus la liberté de dérouler leur projet de vie, le marché du travail utilisera au mieux le capital humain dont il dispose, l’organisation collective sera plus équilibrée et tout le monde y trouvera son compte. Le féminisme est l’affaire de tous. Le féminisme est un humanisme.

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