C'est l'heure, M. Schulz !, par Marion Van Renterghem
LE MONDE | 16.04.09 | 14h01
Pour le groupe Parti socialiste européen (PSE), c'est le moment ou jamais. Les sondages ont beau prédire une abstention record aux élections européennes et, de nouveau, une victoire des conservateurs du Parti populaire européen (PPE), Martin Schulz y croit : le groupe PSE, qu'il préside, a une chance de devenir le premier de l'Hémicycle. La crise économique mondiale peut redonner du poil de la bête à une social-démocratie qui n'en a plus beaucoup. Autre aubaine : le PPE est affaibli par le départ des Britanniques, trop eurosceptiques pour s'y sentir bien.
Au Parlement, M. Schulz est une bête de scène. Le genre grande gueule et brut de décoffrage. Pour son malheur, il doit sa célébrité à Silvio Berlusconi. A celui dont le pays présidait l'Union européenne en 2003, le socialiste avait posé des questions sur l'introduction d'un procureur et d'un code pénal européens. Laissez entendre à l'Italien qu'il est mafieux : quand c'est Berlusconi (que l'inadmissible n'arrête pas), il répond à l'Allemand que c'est un kapo. Dans un film sur les camps nazis, lui lance-t-il, "je vous proposerais comme kapo". Indignation dans l'Hémicycle. Standing ovation à M. Schulz.
Mme Schulz mère était une pure conservatrice de l'Union démocrate-chrétienne (CDU), le père, social-démocrate (SPD), un fils de mineur devenu policier. Tous deux réunis par l'antinazisme. Mais dans la famille, se rappelle leur fils, "c'était la guerre civile tous les week-ends". Parmi ses frères, l'un a traversé Mai 68 avec pavés et cheveux longs, un autre était commissaire de police, de gauche, fier de représenter la première génération de policiers à servir la démocratie et atterré de se faire traiter de fasciste en famille. Martin, 13 ans, regardait passer les balles. Il fut longtemps libraire, à la frontière germano-belge.
En parfait social-démocrate à l'allemande, il doit se frotter, sous ses airs de dur à cuire, à l'art du compromis et des tactiques. Un boulot à plein temps avec les socialistes européens, encore plus champions que le PPE pour n'être pas d'accord, selon les pays, sur les grandes questions. C'est leur faiblesse. "Nous sommes une confédération d'Etats souverains où l'affiliation de la classe politique et des électeurs est d'abord nationale, dit M. Schulz. Les Français voteront pour ou contre Sarkozy, les Allemands s'entraîneront pour leurs élections de septembre, les Grecs diront leur ras-le-bol de Caramanlis." Lui-même est accusé par ses détracteurs d'être parfois plus stimulé par l'intérêt national que par l'idéologie PSE.
La coutume veut que les deux principaux groupes se partagent la présidence du Parlement. Si M.Schulz est désigné par le sien, c'est son heure. Il se verrait bien président pour la seconde partie de la mandature, ou à la Commission. Les couloirs du Parlement bruissent déjà d'intrigues en tout genre. Pour la mandature du PPE, Berlusconi voudrait voir à la tête de l'institution un de ses proches, Mario Mauro. Avec le "kapo", ça promet de tanguer.
Courriel : mvr@lemonde.fr.
Marion Van Renterghem
Article paru dans l'édition du 17.04.09
Nessun commento:
Posta un commento