Cinq enjeux pour un congrès
LE MONDE | 14.11.08 | 13h46 • Mis à jour le 14.11.08 | 16h05
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1. Peut-il se doter d'un leader ?
Depuis le retrait de Lionel Jospin, en 2002, le Parti socialiste (PS) ne parvient pas à se choisir un leader incontesté. François Hollande ne s'est jamais imposé dans l'opinion et Ségolène Royal a porté les espoirs de la gauche à l'élection présidentielle de 2007 sans entraîner tout le PS derrière elle. Cette crise de leadership (et son corollaire, la bataille des chefs) nuit à l'image que les socialistes donnent d'eux-mêmes. Et empêche le parti de s'inscrire dans le jeu des institutions de la Ve République qui ont installé l'élection présidentielle au centre de la vie politique.
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Le mode de désignation du premier secrétaire - élu par l'ensemble des adhérents le 20 novembre - plaide pour des candidatures de personnalités emblématiques. Ségolène Royal, qui porte l'idée d'une modernisation du parti, dispose d'une aura dont les autres dirigeants socialistes sont privés. Elle bénéficie, en outre, de l'acquis de sa campagne présidentielle. Sa motion est arrivée en tête mais sa personnalité reste controversée. Elle est considérée par certains comme un élément extérieur au PS, ce qui rend plus ardue sa capacité à réaliser une synthèse.
Martine Aubry, qui symbolise une pratique et un discours plus traditionnels, peut, elle aussi, prétendre concourir. Tout comme Benoît Hamon, nouvelle figure de l'aile gauche. Mais il leur faudrait, pour être élus, parvenir à construire une alliance alternative sur un projet qui serait forcément en opposition avec la motion qui a été placée en tête par les militants.
Le ou la futur(e) premier(e) secrétaire ne portera pas forcément les couleurs du PS à l'élection présidentielle de 2012. Parmi les partisans de Mme Royal, mais aussi chez certains de ceux qui soutiennent Bertrand Delanoë ou Martine Aubry, l'idée d'organiser des "primaires ouvertes" aux sympathisants fait son chemin.
2. Peut-il avancer des idées neuves ?
Jusqu'à présent, le PS est apparu comme un parti en fin de cycle. Faute d'avoir su renouveler son logiciel, il s'est retrouvé distancé par une droite qui a refait synthèse derrière Nicolas Sarkozy. Néanmoins la réflexion a avancé sur plusieurs points.
Inspiré des pays sociaux-démocrates d'Europe du Nord, le concept d'un "Etat préventif", capable de s'attaquer en amont aux inégalités sociales (notamment en matière d'éducation et de santé), est évoqué. Alors que l'allergie à l'impôt se développe, il permet de dépasser la question de l'Etat-providence. L'idée du donnant-donnant fait son chemin : le PS suggère de n'accorder que sous conditions (conclusion d'un accord salarial, actions de reclassement, entreprises exportatrices) les allégements de charges dont bénéficient les entreprises.
Ségolène Royal va plus loin et demande que les entreprises bénéficiaires qui délocalisent remboursent les aides publiques qu'elles ont pu recevoir. Le thème du développement durable est mieux pris en compte que par le passé. En revanche, la réflexion du PS sur des sujets comme la protection sociale, l'immigration, les nouvelles technologies mérite d'être approfondie.
3. Peut-il retrouver un discours européen ?
Il est loin le temps où les échanges entre Lionel Jospin, tenant du "réformisme de gauche", et Tony Blair ou Gerhard Schröder, artisans du social-libéralisme, dominaient les débats au sein d'une social-démocratie européenne en plein renouveau. Presque partout, la gauche a quitté le pouvoir et le PS ne joue plus qu'un rôle secondaire au sein du Parti des socialistes européens (PSE), en raison principalement des profondes divisions nées du référendum constitutionnel de 2005.
Dans cette période économique troublée, sa faible audience internationale est d'autant plus curieuse que deux de ses proches occupent des fonctions importantes : Dominique Strauss-Kahn au Fonds monétaire international (FMI) et Pascal Lamy à l'Organisation mondiale du commerce (OMC). A priori, les élections européennes de juin 2009 s'annoncent délicates pour le PS, qui avait réalisé, en 2004, un score élevé (28,9 %). Face à la crise économique, le PS va bâtir sa campagne autour d'une plate-forme commune avec le PSE. Le message sera centré sur la nécessité d'instaurer une puissance publique européenne et des instruments de régulation efficaces de la sphère financière.
4. Peut-il se rénover ?
Vieux, usé, fatigué : ces qualificatifs, adressés par Lionel Jospin à Jacques Chirac pendant la campagne présidentielle de 2002, pourraient parfaitement s'appliquer aujourd'hui au PS, au moins dans la perception qu'en ont l'opinion et de nombreux adhérents. La rénovation du parti sera un enjeu central du congrès, avec une ligne de partage entre la motion de Bertrand Delanoë et celle de Ségolène Royal. Martine Aubry reste, elle, dans une réserve prudente sur la question. Forte du mouvement d'adhésion - large mais éphémère - qu'elle avait suscité avant les primaires socialistes à l'automne 2006, Mme Royal défend l'idée d'un "parti de masse". Une orientation qui vise à "ringardiser" ceux qu'elle appelle les tenants du "vieux parti", à commencer par le maire de Paris qui reste arc-bouté sur le principe d'un "parti de militants" dans la tradition jospinienne.
L'ancienne candidate à l'élection présidentielle veut changer, pour sa part, la nature du parti et repousser ses limites. Le PS façonné par François Mitterrand est un parti d'élus et une machine électorale qui a n'a jamais dépassé 220 000 adhérents. C'est le parti "d'une avant-garde", selon l'expression de Lionel Jospin, pas un parti de masse. Mme Royal souhaite modifier tout cela. Elle plaide pour "un grand parti, démocratique, populaire et de mobilisation sociale", avec des responsabilités "décentralisées aux fédérations", et qui développe "de nouvelles formes de militantisme" en direction des salariés et de la société civile. Pour recruter de nouveaux adhérents, elle envisage, en outre, un montant de cotisation symbolique.
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Christine Garin et Jean Michel Normand
Article paru dans l'édition du 15.11.08.
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