mercoledì 20 agosto 2008

quelli che BHL non ha visto

Dans le havre de paix du monastère d'Alagir, en Ossétie du Nord, les réfugiés songent à rentrer à Tskhinvali, avec un espoir mêlé d'angoisse
LE MONDE 20.08.08 14h29 • Mis à jour le 20.08.08 15h22


ALAGIR (OSSÉTIE DU NORD) ENVOYÉ SPÉCIAL
C'est l'image même d'un havre de paix. Le monastère d'Alagir est posé dans un écrin de végétation foisonnante à la sortie de la ville, à près de 30 kilomètres de Vladikavkaz, la capitale de l'Ossétie du Nord. Bien que situé au bord de la route principale qui conduit vers Tskhinvali et la région séparatiste géorgienne d'Ossétie du Sud, défigurée par les chenilles des tanks russes, on s'y sent loin de la guerre, loin de tout.



SUR LE MÊME SUJET
Vidéo Moscou s'oppose à un projet de résolution sur la Géorgie
Les faits L'Abkhazie décidée à faire reconnaître son indépendance par la Russie
Compte rendu L'Alliance atlantique durcit le ton à l'égard de la Russie
Eclairage Le "début de retrait" russe : un "jeu", selon Tbilissi
Les faits Moscou rejette un projet de résolution de l'ONU
Reportage Choses vues dans la Géorgie en guerre
Les roses sont soigneusement entretenues, la douce odeur des pastèques du Caucase se mêle dans l'air chaud à celle de l'herbe fraîchement coupée. Les chambres, elles, sont tout à fait dignes d'une maison de repos pour ouvriers méritants. Les 48 refugiés sud-ossètes qui vivent toujours dans le monastère en ont fait un sujet de boutade : ils ne veulent plus jamais quitter les lieux.
Pourtant, l'heure est au retour en Ossétie du Sud. "La moitié des réfugiés ont déjà pris le chemin inverse. Parmi la moitié qui reste, la grande majorité vit chez des proches, soit environ 15 000 personnes, explique, à Vladikavkaz, Irina Andrianovna, du ministère des situations d'urgence (MTchS). Il reste aussi 5 324 personnes dans des campements provisoires, disséminés dans les régions du sud de la Russie."
Dans ce moment de parenthèse étrange entre les promesses de règlement du conflit faites sur le papier, à Tbilissi et Moscou, et leur concrétisation sur le terrain, les déplacés se parlent ; ils récoltent, par le bouche à oreille, les derniers échos venant du sud ; et surtout, ils regardent la télévision.
Les chaînes russes le clament d'une voix enthousiaste : l'heure est à la reconstruction ; ce que les Géorgiens auraient détruit à eux seuls, les autorités fédérales et locales vont le rétablir, le rebâtir, le réparer.
Le MTchS a installé deux hôpitaux provisoires à Tskhinvali, après les dégâts infligés au seul établissement de la ville. Des lieux de distribution de nourriture ont été mis en place. Mais l'eau courante et l'électricité manquent cruellement.
"J'ai envie de revenir à Tskhinvali, mais le plus gros problème, c'est vraiment l'électricité, surtout avec les enfants", explique Tina Tedeieva, 19 ans. Tina porte son fils et une large croix orthodoxe autour du cou ; elle a des origines géorgiennes, qu'elle renie sous le coup de la colère.
Son histoire éprouvante est partagée par d'autres : c'est celle des premiers jours de la guerre, passés dans la cave de l'immeuble, situé en bordure de Tskhinvali. "Il y avait déjà eu des tirs le 1er août, du côté géorgien, puis le 5, avant l'attaque du 7 août, dit-elle. Au total, on a passé avec les voisins près d'une semaine dans la cave. On s'est nourri, à 15, avec une grande saucisse, du pain rassis et des compotes maison qui étaient stockées là. Quand les tanks sont entrés dans la ville et qu'on a vu des avions voler vers Gori, on était heureux : on croyait qu'il s'agissait des Russes venus nous sauver." C'était les Géorgiens. Mais la 58e armée russe n'a pas tardé. "Un voisin est venu nous dire de rester tranquilles car les Russes allaient faire une zatchistka (nettoyage) dans la ville", se souvient-elle.
"DÉFENDRE SA PATRIE"
Au bout de trois jours de combats, Tina est sortie du sous-sol et a entamé une marche de 16 km, à travers la forêt et les champs, avant d'être enfin embarquée dans une voiture à destination de l'Ossétie du Nord. Au monastère d'Alagir, elle a retrouvé sa belle-mère, Valentina, 52 ans, professeur de danses traditionnelles. Celle-ci a eu de l'instinct, en se réfugiant dès le 2 août dans la maison de ses parents, dans le village de Java. "Le conflit dure depuis dix-huit ans, par intermittence, mais personne ne s'attendait à une telle démesure", soupire-t-elle.
A ses côtés, soeur Nonna, qui dirige le monastère, fronce les sourcils. "Tous les réfugiés le disent, la seule erreur des Russes a été d'intervenir trop tard", affirme-t-elle. Soeur Nonna en est persuadée : les Géorgiens "ont tué des femmes, des enfants, des blessés". Elle rapporte même cette rumeur de guerre classique : ils auraient lancé une grenade dans une cave où s'abritaient des vieillards !
Pour entendre des propos plus mesurés, l'archevêque Feofan semble mieux indiqué. Justement, l'archevêque de Stavropol et du Caucase, le plus haut représentant de l'Eglise orthodoxe dans le Caucase et le sud de la Russie est en visite dans le monastère. Avec ses yeux bleu arctique et son nez en trompette, il parle comme un homme de foi quand il inspecte fièrement les cartons d'aide humanitaire, mais s'exprime à la façon d'un général quand il évoque le conflit. "Saakachvili a détruit la Géorgie par ses actes, clame-t-il. Ce n'est pas une guerre entre orthodoxes ni entre deux peuples. Tout vient de la décision criminelle d'un dirigeant de bombarder Tskhinvali et de tirer sur la population civile ossète. On a jugé Milosevic, on a pendu Saddam Hussein. Et là ? Pourquoi ces doubles standards ?"
Et les civils ossètes qui ont pris les armes, les brigades autoconstituées se faisant justice ? Qu'en pense le serviteur de Dieu ? Que du bien. "Tout citoyen doit agir comme ça pour défendre sa patrie, dit-il. Comment faire autrement, quand vous voyez vos proches se faire tuer ?"
Pendant ce temps, Tina joue dans la cour avec son fils. Son mari n'est pas là : Inal, 25 ans, a défendu Tskhinvali contre les Géorgiens. Sa mère, Valentina, en est fière. "Il a fait comme tous les hommes en âge de le faire : combattre. Avec son groupe de quatre-cinq personnes, il a fait sauter un tank géorgien avec ses occupants."
Piotr Smolar

Nessun commento: